En 1992, l’éditrice Anne-Marie Métailié s’enthousiasme pour le premier roman d’un certain Luis Sepúlveda, un  écrivain chilien inconnu même dans son pays: « Le vieux qui lisait des romans d’amour »; c’est probablement le livre que j’ai le plus conseillé dans ma vie de libraire tant ce roman est capable de réconcilier un grand nombre de lecteurs d’horizons très différents.
    C’est le premier vrai succès des éditions Metailié créées douze ans auparavant par l’infatigable militante anti-impérialiste Anne-Marie Métailié avec pour devise: “Des livres pour vivre passionnément “. 
   Le livre a été inspiré à Luis par son séjour de sept mois en 1978 en plein cœur de l’Amazonie chez les Indiens Shuar . On y croise un vieux chasseur édenté qui découvre la lecture et se passionne pour les romans d’amour qui deviennent avec la forêt son autre lieu de rêve.
   Dédié à son ami Chico Mendes, ardent défenseur de l’Amazonie assassiné, le roman est aussi un livre engagé pour la défense des droits de l’homme et de la nature. “Raconter, c’est résister – dit Luis Sepúlveda – à l’empire de l’unidimensionnel, à la négation des valeurs qui ont humanisé la vie et qui s’appellent fraternité, solidarité, sens de la justice.”
   Il faudrait beaucoup de temps pour parler du talent de conteur de Luis, de son humour confinant parfois au burlesque, de sa capacité à faire passer le lecteur du rire aux larmes. Il disait qu’il fallait ériger des barricades de livres pour rêver, aimer et lutter.
Romans, romans noirs, nouvelles, récits autobiographiques, livres pour enfants… sa palette était large. Et je me souviens avec émotion de mes nombreuses lectures à mes enfants et petits-enfants de ce conte si émouvant l’ Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler.
 

   Nous rêvions depuis longtemps d’inviter Lucho -comme l’appellent ses amis- à la librairie. Ce grand moment est arrivé en juin 2012, à l’occasion de la sortie de son livre Dernières nouvelles du sud , récit de son voyage en Patagonie en compagnie de son ami, le photographe argentin Daniel Mordzinski.

   Luis Sepúlveda était accompagné de son épouse, la poète ‎Carmen Yáñez, de Daniel Mordzinski et de son éditrice Anne-Marie Métailié.

   Ce fut en compagnie de centaines de personnes au théâtre de Vienne un  moment inoubliable.

   La mort de Luis Sepúlveda huit ans plus tard nous avait bouleversés ( voir K94 sur le blogue:  Kaléidoscopes  !  ) et nous sommes heureux que Carmen Yáñez ait accepté  l’invitation des Belles Latinas et de la Librairie Lucioles pour présenter son livre: Un amour hors du temps sous-titré Ma vie avec Luis Sepúlveda. (Traduction d’Albert Bensoussan aux éditions Métailié)

J’aurai le grand plaisir de dialoguer avec Carmen Yáñez pour une soirée hommage à Luis Sepúlveda ce jeudi 16 novembre à 19h à la Librairie Lucioles.
 
   Carmen Yáñez a épousé Luis Sepúlveda une première fois à 18 ans et ils ont eu un fils, Carlos Lénine. La vie militante les a éloignés. En 1973, le coup d’état de Pinochet a bouleversé leur vie : ils ont été tous deux emprisonnés et torturés. Ils ont vécu en exil, lui en Allemagne, elle en Suède. 
   20 ans plus tard, ils se sont retrouvés et …remariés. Après la mort de Luis en 2020 du Covid, Carmen a écrit ce livre émouvant sur le deuil et l’amour.
  Poète reconnue, Carmen Yáñez évoque leur histoire commune, marquée par l’engagement politique, l’horreur de la répression, la douleur de l’exil et de la séparation.
   Des poèmes d’amour ( comme celui-ci), de révolte, d’espoir, de désespoir … ponctuent ce récit :
 
« Seul l’amour 
 
Seul l’amour
retient, freine ou fait son nid,
se fixe ou trouve son lieu.
Seul l’amour
écoute le silence,
Les sons cadencés du préambule. 
seul l’amour,
défait les nœuds,
hisse les voiles dans l’histoire,
lâche les amarres, 
ramasse les morceaux, gomme l’absence.
seul l’amour
s’élève jusqu’au pardon. »
 
  

 

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