Lorsque Bertrand Tavernier est mort en mars 2021 à l’âge de 79 ans, il avait encore de nombreux projets, en particulier avec Russell Banks avec qui il avait écrit un scénario tiré d’une de ses nouvelles, “Oiseaux des neiges” qu’on peut lire dans ce puissant recueil de nouvelles publié chez Actes Sud sous le titre de l’une d’elles: “Un membre permanent de la famille”.   C’est grâce au livre que Thierry Frémaux consacre à Bertrand Tavernier que l’on apprend l’existence de ce projet… au moment où Russell Banks vient de nous quitter.
J’ai eu la chance de rencontrer à plusieurs reprises cet immense écrivain à qui je consacrerai mon prochain kaléidoscope.

“Si nous avions su que nous l’aimions tant, nous l’aurions aimé davantage” ( quel beau titre!) fourmille d’anecdotes comme celle-ci, mais aussi de portraits, de rencontres, de récits de voyage…
   Ce livre émouvant est une ode à l’amitié entre deux hommes qu’unit une commune passion pour le cinéma et une immense curiosité.
   C’est à l’Institut Lumière à Lyon, lieu de naissance du cinéma qu’ils se sont rencontrés: “je ne me lassais pas de l’écouter, comprenant que l’amour du cinéma était une autre façon d’entretenir un rapport au monde qui passait par l’histoire et la politique” écrit Thierry Frémaux qui souligne à quel point Bertrand Tavernier avait une haute idée du rôle civilisateur du cinéma. “Si chacun avait une conscience aussi élevée que la sienne, nous serions dans un monde meilleur” dit l’un des messages reçus à l’Institut Lumière au moment de sa disparition. Il rêvait d’une gauche “qui parle comme Jaurès et déconne comme Coluche”. Cet homme en colère soulignait la dimension politique de ses combats pour la liberté: “Il est d’autres pandémies qui menacent . Ce sont le culte de l’argent, le libéralisme effréné, le fanatisme, l’arrogance. C’est tout ce qui crée une autre zone écarlate : celle de l’ignorance. (…) Le cinéma construit des armes de construction massive.”    “L’amour du cinéma m’a permis de trouver une place dans l’existence” disait ce curieux perpétuel, ce boulimique hyperactif jamais avare d’éloges mais qui pouvait aussi avoir la dent dure. Bertrand Tavernier était en permanence à la recherche de pépites, de films rares et réputés introuvables.
   Nous sommes très heureux que Thierry Frémaux ( le directeur de l’Institut Lumière et le délégué général du Festival de Cannes) ait répondu à l’invitation de Cinéclap pour venir présenter son bel exercice d’admiration pour un homme qui savait si bien admirer:”Si nous avions su que nous l’aimions tant, nous l’aurions aimé davantage”.
   Nous avons souhaité aussi qu’il présente l’un des plus beaux films de Bertrand Tavernier “Autour de Minuit”. Le film est un magnifique hommage au jazz que Bertrand Tavernier aimait passionnément : “c’est mon second amour après le cinéma” disait-il. Ce choix s’est imposé dans la ville du jazz et Jean Paul Boutellier le fondateur de “Jazz à Vienne” me rappelait que Bertrand Tavernier était venu présenter le film au théâtre antique.    Le film raconte l’histoire de Dale Turner, un saxophoniste afro-américain qui vit pauvrement à Paris dans les années 50 et qui devient l’ami de Francis Borler, un jeune dessinateur fou de jazz qui tente de le sortir de son alcoolisme. Les deux personnages sont magnifiquement incarnés par le très grand ( dans tous les sens du terme!) saxophoniste Dexter Gordon et le tout jeune François Cluzet.   Dans le film tous les morceaux sont joués en direct sur le plateau et Thierry Frémaux n’a pas oublié le concert final au théâtre de Fourvière avec 3000 spectateurs chanceux. Il n’est pas surprenant qu’ “Autour de minuit” ait obtenu la même année le César et l’Oscar de la meilleure musique de film.

   Une soirée à ne pas manquer ( il est prudent de réserver) ce mardi 17 janvier au cinéma Amphi de Vienneà partir de 19 heures ( dédicace avec la librairie Lucioles, présentation du livre et du film et débat avec Thierry Frémaux).

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