Mon avant-dernier kaléidoscope s’intéressait à une fleur commune, si délicate et si fragile , à la robe écarlate et fripée, symbole et symptôme de la biodiversité.
     La fleur de cette semaine n’a pas grand-chose en commun avec le coquelicot. Elle est portée par un arbuste au port buissonnant qui atteint facilement trois mètres de haut. Ses feuilles ovales d’un vert tendre se terminent en pointe fine et allongée ( acuminée dans le langage des botanistes).
   Mais c’est surtout sa fleur qui est remarquable, non pas pour sa forme -petits jupons
blancs superposés et finement découpés- mais pour son parfum inimitable et incommunicable comme beaucoup de parfums. On a parlé à son sujet d’une fragrance proche de la fleur d’oranger et il est souvent surnommé le jasmin des poètes.
 L’étymologie du coquelicot est amusante, celle du seringa (ou seringat) , puisque c’est le nom de notre fleur de la semaine, l’est aussi. Ce nom français lui vient du bas latin  “syringa” signifiant seringue, lui-même emprunté au grec “surinx”. Nous voilà bien avancés, me direz-vous…et on comprend mal la relation entre cet arbuste et la seringue! Attendez! Si je vous dis qu’en grec surinx signifie flûte, roseau coupé et creusé… on voit un peu mieux le bout de… la seringue. Nous y voilà! Le seringat a ainsi été nommé parce que le bois de cet arbrisseau servait, une fois vidé de sa moelle, à faire des seringues, des flûtes. Et la syrinx est le nom de la flûte de Pan.
    Mais l'”étymojolie” n’est pas finie puisque le seringa bénéficie d’un autre nom: comme vous le savez le latin, cette langue morte, est l’espéranto vivant et la langue universelle des botanistes. Et c’est ainsi que le seringa a été baptisé “Philadelphus” par Linné en hommage au pharaon proche de la nature Ptolémé III, dit “Philadelphe”  (qui aime sa sœur) . Les mariages entre frères et sœurs étaient courants chez les pharaons.
   Si vous avez un jardin, ne vous privez pas de cet arbuste modeste, réclamant peu de soins et résistant au froid comme à la chaleur. Mais il s’exprimera pleinement dans un espace ensoleillé. Je rends visite au mien le soir, le moment de la journée où il exhale le mieux son parfum.   C’est aussi en ce moment qu’il faut profiter du parfum des tilleuls, des sureaux… et des roses…
   “Les chèvrefeuilles et les seringats débordaient les clôtures des  jardins, envoyaient dans la nuit des bouffées d’odeurs amollissantes.” Ce n’est pas moi qui l’écris mais Gustave Flaubert dans ce roman inépuisable qu’est “L’éducation sentimentale”.
                             Pas de kaléidoscope la semaine prochaine.

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