Le printemps a rarement été aussi beau. Il est vrai que, l’an dernier, un coup de gel mal placé avait dégommé bourgeons de la vigne et fleurs des arbres: un printemps sans cerise n’est pas tout à fait le printemps!

   Les fleurs d’acacia, très peu présentes l’année dernière, ont mis, en ce joli mois de mai, les bouchées doubles: les arbres ploient sous cette floraison neigeuse, vibrent et bourdonnent de milliers d’abeilles. Leur odeur entêtante nous accompagne et enivre merles et rossignols.

   Les coquelicots ont commencé à déplier leurs jupes fripées. CO-QUE-LI-COT: quelles sonorités étranges. Proclamez à haute voix ces quatre syllabes en les détachant bien. Plus fort! Vous voilà maintenant au milieu de la basse-cour!

   “Coquerico” a d’abord désigné, dès le quatorzième siècle, le coq. Ce n’est que deux cents ans plus tard qu’il a caractérisé la fleur à cause de sa ressemblance avec la crête du coq.

   On pense que cette fleur est originaire de Bulgarie ou de Turquie. Elle est associée depuis la nuit des temps à l’agriculture et aux moissons en compagnie des bleuets. Plante messicole donc et considérée comme une mauvaise herbe ; les herbicides ont considérablement réduit son implantation.

   C’est pourtant un pilier essentiel de la biodiversité. Une seule fleur peut produire jusqu’à 20 000 graines que les oiseaux adorent.
   On connaît depuis très longtemps ses vertus médicinales. Les coquelicots, de la famille des pavots, ont des propriétés narcotiques et sédatives. En tisane, ils permettent de lutter contre la toux et le mal de gorge.

   Comestibles, ils sont utilisés en pâtisserie, feuilles et tiges en salades et en soupes, fleurs en sirop.

   Vous avez peut-être signé l’appel lancé par Fabrice Nicolino, “Nous voulons des coquelicots” qui en a fait un symbole de la lutte pour la biodiversité.

   J’aime le noir bleuté brillant de ses étamines.
   J’aime sa fragilité : un bouquet de coquelicots se fane très vite.

   J’aime cette fleur anarchiste qui refuse d’être cueillie et s’épanouit en dehors des sentiers battus.

   J’aime l’idée que ses graines puissent rester dans le sol en dormance pendant plus de 80 ans.

   J’aime les tableaux de Monet, Van Gogh, Courbet, Klimt et Renoir qui le célèbrent.

   Je me souviens des poupées éphémères que nous confectionnions: fin visage vert de la capsule et jupe plissée des pétales.

   Le dernier mot aux écrivains et poètes:

   Je ne peux t’aimer 

   Qu’avec des baisers

   Et des coquelicots.           Pablo Neruda 

   C’est la saison rouge. Cerises et coquelicots.            Albert Camus

   Je n’aurais pas dû entrer dans ce champ pour cueillir des coquelicots. Je le savais, pourtant : les coquelicots, il faut les aimer avec les yeux, pas dans les mains.Dans les yeux, ils flambent.
Au bout des doigts, ils fanent.                      Christian Bobin


Et deux haïku pour terminer.


Un coquelicot à la main

je traverse

la foule.                                      Kobayashi Issa


Les coquelicots tombent 

mes pensées s’agitent

sans un bruit.                            Hitomi Okamoto


   Il y a un an, je consacrais mon 147ème kaléidoscope aux iris et à l’iriseraie de Bernard Laporte à Larnas en Ardèche ( à retrouver grâce au moteur de recherche ci-dessous ) 

Bonus floral!

Ce kaléidoscope vous a inspirés: merci à Anne et Claire qui m’ont envoyé le texte d’Anne Sylvestre et à Joël Vernet qui nous offre un beau poème publié en 2008 dans un recueil intitulé: “Une barque passe près de ton seuil”.

Les coquelicots me parlent sur la frange des prés

Que je caresse promptement de la main,

Arrachant ici ou là une herbe blanche

Pour la mettre à ma bouche,

En respirer ainsi beaucoup mieux la saveur.

De l’autre côté des collines boisées,

Le clocher brun d’une église tinte dans le ciel

Comme un doigt ferme contre un verre de cristal.

Les nuages s’enroulent tout autour de sa pointe

Et cela me rappelle l’ardeur du froid

D’hivers anciens quand la neige nous montait

Jusqu’aux yeux. Une lumière soudaine

Effleure les pétales et d’un coup le pré

S’illumine d’une sorte de chant

Mais quand un nuage s’avance

La lampe des choses s’éteint.

Mais les coquelicots me parlent

Encore dans l’obscurité.

Joël Vernet

Coquelicot.

” C’est un cri, c’est un appel, c’est un mot de joues rouges et de course folle dans les blés,

de mollets piqués par les chardons, de roulades et de cul par-dessus tête dans le fossé.

C’ est un mot claquant, insolent, cueille moi si tu l’oses, je me fanerai aussitôt mais regarde :

je suis légion. Je pousse et je re-pousse, et dans cette flaque rouge tu ne sais plus où poser tes yeux.

Coquelicots, cavalcade, concours à qui sera le plus rouge , tes joues ou moi…”

Anne Sylvestre tiré du livre ” Coquelicot et autres mots que j’aime”:
   

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *