J’ai évoqué à plusieurs reprises les figures de l’enfance et de la poésie dans mes kaléidoscopes : Antonio Gamoneda ( K9), Paul Vincensini (14), René de Obaldia qui va fêter ses 102 ans (31 et 32) , Jacques Prévert (52), Victor Hugo (77).
Celui d’aujourd’hui vous propose trois textes : Gilles Vigneault nous a enchantés au siècle dernier avec ses chansons endiablées et son bel accent québécois ( je vois quelques uns d’entre vous, mes chers kaléidoscopeurs, qui se souviennent de ses gigues endiablées au grand échiquier de Jacques Chancel ou sur scène !).
Georges L. Godeau, exprime dans Les petits voyous ,un poème en prose , une réalité sans fioritures.
Je reviendrai dans un prochain kaléidoscope sur la poésie de René Guy Cadou qui aurait eu 100 ans en 2020 et pour qui “La poésie n’est rien que ce grand élan qui nous transporte vers les choses usuelles – usuelles comme le ciel qui nous déborde.” L’enfant précoce témoigne de cette vision du monde.

Quand j’ai chaussé les bottes
Qui devaient m’amener à la ville
J’ai mis dans ma poche
Une vieille maison
Où j’avais fait entrer
Une jeune fille
Il y avait déjà ma mère dans la cuisine
En train de servir le saumon
Quatre pieds carrés de soleil
Sur le plancher lavé
Mon père était à travailler
Ma sœur à cueillir des framboises
Et le voisin d’en face et celui d’en arrière
Qui parlaient de beau temps
Sur la clôture à quatre lisses
Et de l’air propre autour de tout cela

Aussitôt arrivé en ville
J’ai sorti ma maison de ma poche
Et c’était un harmonica.

Les petits voyous

Les petits voyous s’en vont à l’école. Ils ramassent des cailloux pointus pour rayer les voitures. Les plus belles, le plaisir est plus fort.
Les pardessus des petits voyous sont trop courts. La mère est manœuvre à l’usine.Elle taille dans les vieux effets, entre onze heures et minuit. La baraque est froide. Ses doigts sont gourds.
Les enfants sont couchés dans le même lit. Ils ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre la misère.
À force, la misère, elle met des pierres dans les mains.

L’enfant précoce

Une lampe naquit sous la mer
Un oiseau chanta
Alors dans un village reculé
Une petite fille se mit à écrire
Pour elle seule
Le plus beau poème
Elle n’avait pas appris l’orthographe
Elle dessinait dans le sable
Des locomotives
Et des wagons pleins de soleil
Elle affrontait les arbres gauchement
Avec des majuscules enlacées et des cœurs
Elle ne disait rien de l’amour
Pour ne pas mentir
Et quand le soir descendait en elle
Par ses joues
Elle appelait son chien doucement
Et disait
“Et maintenant cherche ta vie”.



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