Iris: j’ai toujours aimé la sonorité de ce mot, un peu mystérieuse…laissant davantage place à la rêverie que rose ou violette. Le mot vient du grec et la déesse Iris était la messagère des dieux. Les poètes prétendaient que l’arc-en-ciel était la trace du pied d’Iris descendant rapidement de l’Olympe vers la terre pour porter un message: c’est pourquoi on la représente le plus souvent avec un arc-en-ciel.
En ce pluvieux mois de mai, on peut dire que les iris rayonnent de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel !
Leur floraison est pour moi -mais je sais que je ne suis pas le seul- liée à l’enfance, à une époque où tous les enfants allaient à l’école à pied. Dès la mi-mai, c’était pour moi un enchantement que de les admirer au bord du chemin et des ruisseaux, de contempler leurs nuances de violet, de mauve, de bleu, plus rarement de blanc ou de jaune, de s’étonner de leurs gracieuses courbes (en forme d’oreilles de cockers) et de la délicatesse de leurs “barbes”, de respirer à pleins poumons leur odeur capiteuse et un peu entêtante. J’ai appris depuis que ses fragrances entrent dans la composition de nombreux parfums.
Je me souviens des brassées d’iris que j’offrais fièrement à ma mère en revenant de l’école… parfois pour me faire pardonner d’avoir traîné en chemin !

Savez-vous que les graines d’iris, longuement torréfiées, ont pu servir de succédané au café? Les écossais disent que c’est délicieux… je ne suis pas sûr d’avoir envie d’essayer! M’intéresse davantage leur rôle écologique: les plants d’iris sont utilisés pour stabiliser les berges et les vasières des cours d’eau et je me souviens de les avoir vus en Normandie sur les faîtes des toits de chaume des maisons du Marais Vernier.

Si vous êtes comme moi amoureux de iris, c’est le bon moment pour découvrir l’iriseraie de Bernard Laporte à Larnas, au cœur de la vallée de la Nègue en Ardèche. Cet ancien facteur s’est pris de passion il y a tout juste 30 ans pour les iris. Au fil des années il a constitué un véritable trésor floral, créant sans cesse de nouvelles variétés. L’amateur peut aujourd’hui déambuler librement au milieu de milliers de plants. On ne sait plus où donner des yeux (et des narines!) dans ces allées fleuries à perte de vue, une palette de couleurs à faire pâlir l’arc-en-ciel, un véritable kaléidoscope !
Mes préférences se portent sur les iris sombres, noir intense et brillants, bleu nuit aux corolles de velours… mais au moment où j’écris ces mots je revois ces iris d’un blanc éclatant aux barbes orangées, ces cascades de pétales bicolores, tricolores aux franges presque translucides. Et ces nervures noires sur fond violet, toutes ces nuances de rose, de jaune, ces zébrures qui défient la description. La beauté de la nature est incomparable.

Prochain kaléidoscope, le samedi 5 juin.

Un texte plein de sensualité consacré aux iris de Philippe Jaccottet

Les iris poussent au hasard dans un enclos d’herbes hautes — couleur mauve ou violet sombre — sortis de leurs papiers de soie parmi leurs dures lames vertes. Ou ceux, de couleur jaune, qui poussent dans les marais et les canaux. Et ces toutes petites fleurs basses — jaunes ou roses — qui s’accrochent aux pierres, aux rochers, qui leur tiennent lieu de pelage, doux, gras et chaud, modeste et tenace.

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Le parfum des iris, très doux, sucré, presque suave, évoquant, me semble-t-il, l’idée qu’on a pu se faire, adolescent, du féminin : de quoi vous tourner la tête… Avec cette espèce de chenille d’un jaune éclatant, solaire, mais si bien cachée sous les pétales bleu pâle comme sous des langues d’eau. Mais le mot “chenille” gêne, et “brosse” tout autant. Une réserve de poudre d’or, un pelage d’or, une toison peut-être, cachée dans la soie de la robe ?

Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d’ombre, Notes sauvegardées, 1952-2005, Le Bruit du temps, 2013, p. 47, 154.

Je remercie Michel de l’envoi de ce beau texte:

Cher Michel,

 Je ne répond pas bien souvent à tes Kaléidoscopes. Mais là, je ressens avec mon cœur toutes les lignes que tu as écrites.

 Enfant, je mes souvient de la floraison de ces merveilleuses fleurs ornant le bord de la grande allée chez mes parents. Cela commençait par quelques touffes de fleurs violettes intenses. Quelques jours après, c’était au tour des bleu pâle. L’allée faisait bien cinquante mètres de long et il y en avait des deux côtés. Mon père ne voulait pas que l’on coupe la moindre fleur ( ce que regrettait ma mère) car, sur pied, elle duraient plus longtemps.

Tu as ravivé ces souvenirs que je chérissais avec plaisir. Je t’en remercie.

Bien d’accord avec toi pour avoir quelque retenue sur l’utilisation des graines par les Ecossais. Ils ont peut-être raison car ils ne sont pas le reflet de la perfide Albion.

J’ai un ami à Sainte-Colombe qui habite le long de la voie ferrée et qui, pour la beauté du paysage a planté des iris bleu pâle. Si comme tu le dis, ces plantes stabilisent les berges, elles sont du plus bel effet dominant le sévère ruban métallique du chemin de fer.
Bien sûr, je les ai vues le long du faîte des toits de chaume en Normandie.
Quant à l’iriseraie de Bernard Laporte, on ne peut pas y aller sans être subjugué par ces étendues florales. Carnet en main, nous en avons commandé un nombre certain. Ils sont en fleurs à Parcieux, Accompagnant les pivoines.
Je ne peux pas te dire ceux que je préfère mais j’aime bien les monochromes, les blancs, les jaunes d’or, les bleu-ciel, les noirs et les chamois clair.

Merci pour ces quelques lignes parfumées.

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