“Cent trente migrants sont morts en mer. Ce sont des vies humaines qui, pendant deux jours entiers, ont imploré de l’aide, en vain. Une aide qui n’est pas venue. Frères et sœurs, interrogeons-nous tous sur cette énième tragédie. C’est le moment de la honte.” Ce n’est ni le responsable d’une ONG ni Roberto Saviano qui ont prononcé ces paroles de révolte et de compassion mais le pape François après l’annonce du naufrage où ont péri 130 personnes au large de la Libye ce 22 avril.
Une semaine avant, les gardes-côtes tunisiens ont repêché 21 corps, dont un bébé. Tous originaires d’Afrique, ils voulaient rejoindre l’Europe. Une vingtaine d’autres sont allés rejoindre ceux qui pourrissent au fond de la mer.
Et que font les gouvernements européens ? Rien ! Selon les O.N.G. “ces naufrages sont le révélateur de la stratégie mortifère de l’union européenne depuis 2018 en Méditerranée.” on préfère rejeter la faute sur les autorités libyennes. “C’est d’un cynisme tragique: l’Europe a détourné les yeux sur ce qui se passe et renonce à toute responsabilité.” En notre nom!
Depuis le 1er janvier 600 migrants ont péri en Méditerranée selon l’OIM (organisation internationale pour les migrations), plus de deux fois plus sur la même période que l’an dernier.
Ces morts ne sont pas un accident nous dit Roberto Saviano dans son livre-choc, “En mer, pas de taxis.” qui vient d’être traduit aux éditions Gallimard. On connaît les combats courageux de cet écrivain italien, menacé de mort depuis 2006 pour avoir écrit “Gomorra”, ce livre puissant qui nous immergeait dans l’enfer de la mafia et qui vit depuis quinze ans sous énorme protection policière.
Dans ce dernier ouvrage, Roberto Saviano nous ouvre les yeux sur un autre enfer, nous met le nez dans ce cloaque où marinent la lâcheté de l’Europe, la cruauté des milices libyennes et l’impuissance des ONG. Il nous oblige à regarder ces enfants, ces femmes, ces hommes, nos frères, nos sœurs, nos enfants qui meurent sous nos yeux.
Mais n’est-ce pas l’Europe qui meurt aussi à cause de ses renoncements?
L’Europe qui meurt aussi à cause des compromissions avec les trafiquants et les milices?
L’Europe qui bafoue les règles élémentaires des droits de l’homme ?
L’Europe qui ferme les yeux sur ces êtres humains réduits en esclavage en Libye ( un pays que l’Europe a elle-même déstabilisé), ces hommes, ces femmes, ces enfants rackettés, violés, torturés et même assassinés?
Que diront nos enfants lorsqu’ils apprendront notre lâcheté et notre égoïsme ?
Comment pourront-ils nous croire quand on leur parlera de démocratie, de liberté, d’égalité, de fraternité?
C’est tout cela que dénonce Roberto Saviano, la propagande et les mensonges sur l’immigration à travers les paroles et les images de ceux qui ont vu, documenté, photographié et aidé.
Il faut répéter qu’on peut ouvrir des voies de migration légale.
Il faut répéter qu’il est urgent d’aider au développement de ces pays d’Afrique pour que leur population ne soit pas prête à tout pour les fuir.
Il faut répéter que nous avons les moyens d’accueillir beaucoup plus de migrants menacés dans leur pays.
Il faut répéter, chiffres à l’appui, que les migrations n’ont pas un coût aussi important qu’on le croit.
Il faut se souvenir qu’en 2015 Angela Merkel ouvre ses frontières aux réfugiés: 1,5 millions de migrants ont ainsi pu demander asile à l’Allemagne.
Ce vendredi, l’émission “Grand reportage” de la Redaction de France Culture, était consacrée pendant une heure aux sauvetages en Méditerranée par le navire Ocean Viking. Des témoignages bouleversants :
Je vous conseille également de voir “Libre” le documentaire généreux de Michel Toesca consacré aux habitants de la vallée de la Roya, à leur résistance citoyenne pour accueillir des migrants en détresse. Voici le lien pour la bande-annonce :