Quel étrange pays que les États-Unis!
Un pays qui voit arriver à sa tête un histrion raciste, misogyne, méprisant, fier de son inculture, capricieux…
Un pays où chaque président prête serment sur la bible.
Un pays où 330 millions d’habitants possèdent 800 millions d’armes à feu.
Mais aussi
Un pays qui porte au pouvoir pendant huit ans un président noir
Un pays qui élit une vice-présidente noire Kamala Harris
Un pays où une poétesse noire de 22 ans Amanda Gorman illumine la cérémonie d’investiture en lisant un texte plein d’espoir, une exhortation à la réconciliation :
” Alors que nous nous étions demandé: comment pourrions-nous surmonter une catastrophe?
Maintenant, nous affirmons : comment la catastrophe pourrait-elle nous dominer?
Nous ne reviendrons pas à ce qui était
Mais nous nous dirigerons vers ce qui sera
un pays meurtri mais entier, bienveillant mais audacieux, féroce et libre.”
Et Amanda Gorman termine son long poème sur ces mots:
“Le jour venu, nous sortirons de l’ombre, enflammés et sans peur
La nouvelle aube fleurit dès lors que nous la libérons
Car il y a toujours de la lumière, si seulement nous sommes assez courageux pour la voir, si seulement nous sommes assez courageux pour l’incarner.”

J’ai consacré de nombreux kaléidoscopes aux USA, à leur passé esclavagiste, à leur présent raciste( K39: America 8, de la race en Amérique), à l’importance de la religion. On oublie un peu aujourd’hui que Trump a été élu en 2016 grâce aux évangélistes qui ont voté à 81% pour lui ( K24: America 7: foi en Amérique) et plus récemment K119 évoquant le combat des Écrivains contre Trump: Siri Hustvedt, Paul Auster et Russell Banks entre autres.
À retrouver Ici sur mon blogue.

   Il y a maintenant un peu plus de quatre ans, au moment de l'élection inattendue de Donald Trump, François Busnel et Eric Fottorino décidaient de créer une revue trimestrielle pour réfléchir, en compagnie d'écrivains des deux côtés de l'océan, pendant quatre années à ces États d'Amérique si désUnis. 

Retrouver le temps long de l’enquête et du reportage, c’était l’une des ambitions d’AMERICA. Dès le premier numéro, en mars 2017, Toni Morrison disait : “Dans les semaines qui ont suivi l’élection, j’étais devenue étrangère en mon pays”. L’auteur de Beloved aurait sûrement aimé vivre l’arrivée, pour la première fois, à la vice-présidence d’une femme noire.
Comme annoncé dans le numéro 1 America s’arrête avec le numéro 16 qui est sorti le jour de l’investiture de Joe Biden et de Kamala Harris.
Vous y trouverez un magnifique entretien avec Colum McCann qui veut croire que l’Amérique peut être réparée par de nouvelles voix : “Plus jeunes. Diverses. Encore capables d’insouciance mais aussi de courage. Prêtes à prendre des risques…”
Colum McCann appelle de ses vœux un renforcement du rôle de l’éducation pour réparer une société malade.” La littérature ne dit pas ce que vous devez penser ni pour qui vous devez voter. Elle permet de penser par soi-même. C’est une énorme différence ! Il faut l’enseigner dès l’école. Pendant trop longtemps, on nous a dit ce qu’il fallait penser. Or, la littérature, c’est exactement l’inverse : une invitation à penser par soi-même, à ne laisser personne te dicter ce que tu penses. C’est l’école de l’humilité. De la tolérance. De l’acceptation de l’autre. Or, tout cela compose le ciment d’une nation : les êtres humains ensemble.”
Et si vous n’avez pas encore lu de livre de Colum McCann (quelle chance!) précipitez-vous sur Et que le vaste monde poursuive sa course folle:
Le 7 août 1974, le funambule Philippe Petit tend un câble entre les deux tours du World Trade Center et s’y promène comme un ange survolant New York. L’idée géniale de Colum McCann est de tisser plusieurs histoires de personnages un peu cabossés et déboussolés qui ont levé les yeux au même moment dans le ciel de New York et qui luttent et s’accrochent à la vie; une ronde de personnages dont vous ne pourrez pas oublier les voix qui s’entremêlent… et qui dressent un portrait de l’Amérique.

   Dans cet ultime numéro d'America découvrez aussi la Lettre à une amie américaine de J.M.G. Le Clézio, une belle nouvelle inédite d'Ernest Hemingway: La poursuite du bonheur qui a des accents proches du Vieil homme et la mer. Le trop méconnu nouvelliste Rick Bass  dans les dix belles et puissantes  pages du Pays que nous méritons détaille les racines du mal américain et appelle de ses vœux un rapport humble et apaisé des hommes avec la nature. Il conclut ainsi son texte:"Nous revendiquons  une société à la hauteur de notre environnement. Nous nous battrons pour être ces individus que la terre mérite."

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