Vous allez finir par croire que je fais une petite fixation sur ” Ha! ma zone!” C’est vrai que je n’en reviens toujours pas qu’un modèle aussi peu vertueux ( euphémisme) ait pu se développer en si peu de temps sans qu’aucun état n’ait érigé quelques barrières. On se souvient que le capitalisme le plus implacable avait créé des lois antitrust pour éviter que les entreprises se trouvent en situation de monopole. Mais nous sommes passés du capitalisme industriel au capitalisme financier qui considère comme un gros mot le vocable antitrust.
Et maintenant il est peut-être trop tard tant le monstre a proliféré : créée en 1994 elle est devenue la plus grande multinationale du monde et a vendu en 2018 15 milliards de produits. Son fondateur, Jeff Bezos, est l’homme le plus riche de la planète: près de 1000 milliards de capitalisation boursière ! 1% de sa fortune représente le budget de la santé de l’Éthiopie, un pays de 105 millions d’habitants.

On connaît les effets dévastateurs d’Amazon: un emploi créé par cette firme en détruit deux dans le commerce de proximité ( Amazon aurait ainsi fait perdre 7900 emplois en France en 2018) et on estime qu’elle a détruit physiquement en une année 3 millions de produits neufs venus pour la plupart en avion du bout du monde en faisant exploser de 29% en un an les coûts de transport de la firme…et son désastreux bilan carbone.

Un autre chiffre donne le vertige: Amazon Web Services qui gère les données de millions d’utilisateurs dans le “cloud” a émis dans cette même année 2018 55,8 milliards de tonnes de gaz à effet de serre, soit l’équivalent des émissions du Portugal.

Comme vous l’imaginez la pandémie est pain béni ( pardon pour cet approximatif jeu de mot !) pour la firme qui a triplé son bénéfice net au troisième trimestre de cette année : 6,3 milliards de dollars ! Ça en fait des sous qui échappent à l’impôt. 58% du chiffre d’affaires réalisé en France est dissimulé en refacturant des services à sa maison mère domiciliée devinez où? Au cœur de notre vieille Europe, au Luxembourg précisément.

Quelques bonnes nouvelles cependant : La commission européenne a accusé, ce mardi 10 novembre, Amazon d’avoir enfreint les règles de la concurrence et d’avoir abusé de sa situation de quasi monopole. Si la plainte va jusqu’au bout l’amende pourrait être très importante et s’élever à 28 milliards de dollars. On peut faire confiance aux lobbyistes financés par le monstre pour s’opposer à cette menace!

Amazon qui dispose en France d’une vingtaine d’entrepôts envisage d’en construire une douzaine pour doubler la surface de ses implantations d’ici 2021. À 4 kilomètres du Pont du Gard la firme veut construire un bâtiment de 38 800 mètres carrés haut de 18 mètres . La mobilisation contre cette implantation s’organise.
En Alsace la mobilisation semble avoir porté ses fruits puisqu’on a appris cette semaine qu’Amazon renonçait à son entrepôt géant de 190 000 m2 ( 19 hectares !) à Ensisheim.

Vous trouverez ci-dessous un lien ( merci à mon fils Jonathan qui me l’a envoyé) vers un article remarquable publié sur le site Actuallité. Cette tribune est le fruit de la réflexion de Zones sensibles, une petite maison d’édition spécialisée dans les sciences humaines qui explique très clairement, graphiques à l’appui, le poids qu’a pris le monstre dans le chiffre d’affaires des éditeurs. Cela pourrait atteindre 30% pour certains et la moyenne serait de l’ordre de 25 %.
Pour les éditions Zones sensibles c’est 14%… et pourtant l’éditeur a décidé depuis le mois de novembre de ne plus vendre d’ouvrages sur Amazon. Voici un extrait de cette tribune intitulée : ” Bye bye Amazon : il en va de la responsabilité de chaque éditeur.”

https://www.actualitte.com/article/tribunes/bye-bye-amazon-il-en-va-de-la-responsabilite-de-chaque-editeur/103699

“Nous sommes donc dans une situation (pour le moins paradoxale, voire absurde) où Amazon engendre la plus grande part des ventes des éditeurs français alors que, pour la compagnie, ces ventes ne représentent quasiment rien. Si l’on ajoute à cela qu’Amazon fait, comme d’autres multinationales, de l’optimisation fiscale, ce qui lui permet de payer moins d’impôts sur ces ventes que ne le font les librairies “physiques”, et si l’on se rappelle qu’aux États-Unis, où le droit du travail est quasi inexistant, certains employés d’Amazon sont obligés d’aller chercher de quoi se nourrir dans des banques alimentaires faute d’être rémunérés correctement, nous en arrivons à une situation insoutenable : le premier vendeur de livres des éditeurs français est une société qui ne gagne rien sur ces ventes, tout en ne payant que très peu d’impôts et en exploitant à outrance des êtres humains, surveillés par des robots qui sont sous pression dans un hangar pour qu’un livre arrive le lendemain chez celle ou celui qui l’a commandé.”
Dans la foulée, la fronde s’organise et un collectif d’une cinquantaine de petits éditeurs et diffuseurs vient d’annoncer qu’ils ne vendront plus leur livre sur Amazon: “nous ne voulons pas remplacer les conseils d’un libraire par ceux d’un algorithme, ni collaborer à un système qui met en danger la chaîne du livre par une concurrence féroce et déloyale.”

Et n’oubliez pas que – comme je le détaillais dans mon dernier kaléidoscope – jusqu’à la fin de l’année votre libraire peut vous livrer par la poste moyennant la vraiment modique somme de 1 centime d’euros de frais de port. Mais le Clique et cueillette fonctionne … en attendant la réouverture des librairies en décembre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *