Quand passent les cigognes n’aurait jamais dû être programmé au festival de Cannes en 1958 …et c’est pourtant ce film qui va obtenir la Palme d’or et connaître un immense succès avec 5,4 millions de spectateurs en France. Khrouchtchev, au pouvoir depuis la mort de Staline en 1953, n’aimait pas le film qui n’exalte pas suffisamment à son goût les vertus du patriotisme et dénonce plutôt les ravages de la guerre qui chamboule les destins.
Nous sommes à Moscou en 1941. Veronika et Boris sont éperdument amoureux et on voit au début du film les amants insouciants gambader le long du fleuve. On admire la virtuosité des plans, les mouvements de caméra, les jeux d’ombre et de lumière magnifiés par le noir et blanc. L’actrice Tatiana Samoilova est éblouissante et son visage capte intensément la lumière. Ils regardent les cigognes – en réalité des grues, mais Quand passent les grues aurait été équivoque ! – qui volent avec élégance dans le ciel. Mais cette insouciance sera de courte durée car Boris sera appelé au front et Veronika devra faire face à ce vide et à l’absence de nouvelles.
La justesse d’écriture et la simplicité du récit renforcent l’émotion qu’éprouve le spectateur. La guerre est vécue du point de vue de Veronika .
Le film a marqué toute une génération de cinéastes par ses innovations techniques, l’utilisation de la caméra à l’épaule très mobile suivant Veronika dans la foule, les gros plans sur les visages qui font également penser, dans leur hiératisme, au cinéma muet .
” Nous trouvons tout ici : la profondeur du champ et les plafonds d’Orson Wells, les travellings acrobatiques d’Ophüls, le goût viscontien de l’ornement, le style de jeu de l’Actors Studio.” écrit Eric Rohmer, alors critique de cinéma .
De nombreuses scènes sont inoubliables comme celle où l’on voit Boris gravir un escalier filmé par un opérateur probablement suspendu à un câble , ou la scène finale à la gare où la caméra suit Veronika, son bouquet à la main, qui traverse la foule.
Le film de Mikhaïl Kalatozov, au lyrisme déchirant, vient de ressortir en DVD dans une version restaurée et dans quelques salles. J’aurai le grand plaisir de le présenter à Vienne au cinéma l’Amphi ce jeudi 6 février à 19h30.

Nous avons appris cette semaine la disparition d’Hubert Mingarelli que nous avions eu la chance d’accueillir souvent à la librairie Lucioles. En relisant Un repas en hiver paru en 2012, je me dis que nous venons de perdre un écrivain majeur de ce siècle.
Un repas en hiver , où trois soldats allemands, pour éviter de participer aux exécutions sommaires, débusquent dans la forêt enneigée un juif avec lequel ils vont partager un repas dans une maison abandonnée, est un roman puissant sur la condition humaine, sur la vie et la mort, sur la culpabilité et le sens de l’existence. On est pris d’un véritable vertige quand on lit les dernières pages de ce livre essentiel et nécessaire. Merci Hubert.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *