Max Aub, voilà un nom qui sonne davantage germanique que français ou espagnol. Et pourtant… Max Aub est né à Paris en 1903 d’une mère française et d’un père allemand …et deviendra un grand écrivain mexicain!
En 1914, la famille Aub doit quitter Paris. Bien que le père de Max ait refusé de prendre les armes contre son pays d’adoption, il est considéré, à Paris, comme un ennemi. (Max Ernst connaîtra la même mésaventure au moment de la deuxième guerre mondiale.)
C’est un peu par hasard que La famille “s’enracine” en Espagne mais le jeune Max, qui se sent profondément déraciné, décide malgré tout de tout apprendre de la Culture hispanique.
Triste ironie de l’histoire, c’est la guerre civile qui va ” enraciner” Max Aub. Très lié à Federico Garcia Lorca – mort à Séville en 1936 sous les balles franquistes – , à Buñuel, à Dali… c’est lui qui persuade son ami Picasso de peindre une fresque pour le pavillon espagnol de l’exposition internationale de Paris en 1937 : ce sera Guernica. C’est encore lui qui participera au scénario du film d’André Malraux, L’Espoir.
Représentant culturel de la république espagnole à Paris : ses deux patries sont enfin réunies. Pas pour longtemps. Franco triomphant, Max Aub est arrêté à Paris. Accusé de communisme, il connaît les camps de concentration du Sud de la France. Il s’évade en 1942 pour son ultime patrie, le Mexique où il écrira jusqu’à sa mort en 1972, l’essentiel d’une œuvre importante et très peu connue en France.
C’est en 1956 que Crimes exemplaires paraît au Mexique, avec un certain succès, mais il faudra attendre 25 ans pour le voir traduit en français. Le livre semble frappé d’une vraie malédiction puisque deux éditeurs font faillite après avoir publié cet ouvrage sulfureux …et les lecteurs français devront attendre encore 18 ans sa publication aux courageuses éditions Phébus en 1997.
En un siècle où le sang des hommes a beaucoup coulé, Max Aub nous propose le catalogue d’une centaine de crimes. La concision est de mise: jamais plus d’une page, parfois une seule ligne. Florilège :

Je l’ai tué parce que j’étais sûr que personne ne me voyait.

  • Plutôt mourir! me dit-elle. Et dire que ce que je voulais par-dessus tout c’était lui faire plaisir.
  • Je l’ai d’abord tué en rêve, ensuite je n’ai pu m’empêcher de le faire vraiment. C’était inévitable. Vous, vous n’avez jamais eu envie d’assassiner l’un de ces vendeurs de billets de loterie quand ils se mettent à devenir pesants, à vous coller après, à vous supplier ? Moi je l’ai fait au nom de tous. Nous étions au bord du trottoir, et nous attendions pour passer. Les automobiles se suivaient à toute allure, l’une derrière l’autre, touche à touche. Il m’a suffit de la pousser un peu. Nous avions douze ans de mariage. Elle ne valait rien. Nous étions allés chasser les canards sauvages. Je me suis mis à l’affût. Qu’est-ce qui a bien pu me pousser à mettre en joue ce gros, rondouillard et ridicule, avec son chapeau tyrolien, sa plume et tout… ? Il m’avait mis un morceau de glace dans le dos. Le moins que je puisse faire était de le refroidir. Je l’ai tué parce qu’il était plus fort que moi. Je l’ai tué parce que j’étais plus fort que lui. Je l’ai tué parce qu’il ne pensait pas comme moi. À vrai dire, ma sœur, vraiment, personne ne pouvait la supporter. Elle sentait l’ail. Elle reconnaissait elle-même qu’il n’y avait rien à faire… Comme vous le voyez, Max Aub n’y va pas de main morte avec ces cent meurtres simples ou sophistiqués. En prime, les derniers mots de la préface de Jean-Pierre Sicre, le fondateur des éditions Phébus : ” Je l’ai tué, parce qu’il avait refusé de lire le livre du señor Max Aub”. On vous aura prévenus. Michel Bazin vento@free.fr

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