Je suis très heureux que vous ayez répondu à l’appel ( mon correcteur -toujours optimiste- me suggère “à la pelle” ! ) de mon 99ème kaléidoscope et que le centième soit confectionné (j’aime bien ce mot modeste et quelque part, un peu suranné) par vous qui me lisez avec tant d’attention et de bienveillance.
Vos contributions, kaléidoscopiques à souhait dans leur diversité, déborderont un peu le cadre de cet envoi sur le 101ème qui devrait être sans ( 1!) dalmatien… à moins que…

Merci à Claudie Gallay qui ouvre le bal avec cette belle évocation d’un personnage que j’avais un peu oublié, ce Jean-Jules Chasse-Pot qu’elle affectionne et qui a, en effet, quelques points communs avec Gilbert Garcin : même modestie des matériaux utilisés, même utilisation des mêmes figures.
Gilbert Garcin aurait ( presque) pu écrire ces mots de Chasse-Pot :
“Je voudrais- j’ose le mot – qu’elles soient « bêtes » mes sculptures, et c’est, sans doute, pour cela que, depuis quinze ans, je ne fais que des figures, toujours les mêmes car, de même que mon chien n’est attiré que par les autres chiens, je ne suis, moi, « tenté » que par la tête et l’allure de mes semblables.”

Je ne connaissais pas Gilbert Garcin. Il me fait penser à Chasse-Pot, lui

sculptait des petits bourgeois en papier mâché, tout un monde sage, des

notables aux yeux ronds, des soldats sans fleur au fusil, ses cousins au gilet

boutonné, des hommes ventrus dans des costumes bien taillés. L’habit fait le

moine, tout est bien gentillet dehors. Mais à l’intérieur ? Aux attitudes

étriquées, on devine une petitesse des vies, les émotions contenues, les cris

gardés, un univers de solitaires, d’estropiés, et le sculpteur qui se cache

derrière ceux qu’il sculpte.

Curieux sentiment, comme s’il nous montrait un miroir de ces silences que

parfois nous sommes. Et pour rendre ce constat supportable, il choisit

l’humour, il nous fait rire de nous et il nous console.

Sculpter de tels personnages était sa façon de parler de lui sans en avoir

l’air, de montrer qui il était, pour peu bien sûr que quelqu’un ait envie de le

savoir. J’adore “Bientôt papa !” https://www.debaecque.fr/lot/78131/6278954

Avant de faire l’artiste, il était brocanteur. Plus facile de débuter que de

durer, disait Chasse-Pot. Réussir les jambes a longtemps été son souci. D’où

les béquilles et les jambes de bois, jusqu’à ce qu’enfin, il sache faire les

jambes.

Le papier est la matière qu’il préfère car il peut travailler seul. Avec le

bronze, il faut se faire aider, passer par un fondeur, c’est un peu de la triche.

Il avait cinq frères, dont le célèbre peintre Bernard Rancillac. Lui est dans la

lumière. Il est aussi l’aîné. Paul est dans son ombre, alors il change de nom,

fini Paul Rancillac, il prend le nom d’une pétoire des années 1860, devient

Jean-Jules Chasse-Pot.

Bientôt dix ans qu’il est mort et je trouve son regard aujourd’hui

absolument nécessaire.

A la fin de sa vie, ses personnages sont maigres, comme si Chasse-

Pot n’avait plus eu besoin de se cacher derrière personne.

Le prochain roman de Claudie Gallay aurait dû paraître chez Actes Sud à la rentrée de septembre mais , bousculé par la pandémie, nous ne pourrons le découvrir qu’en 2021.

Merci maintenant à Didier Pobel pour ces trois poèmes où l’ironie le dispute à la mélancolie… avec une petite pincée de nostalgie qui me va droit au cœur – Vous pouvez rejoindre Didier sur son blog qu’il tient avec constance depuis si longtemps. Il porte un très beau nom: L’usage des jours . http://dpobel.over-blog.com/

Douceur des choses

Ce matin bon sang je me sens vide
Moi qui d’habitude suis comme un œuf
C’est peut-être le Covid-
Dix-neuf

Depuis quelque temps on ne parle
Plus que de la mort des gens
Et tout le pays ressemble à Arles
Où sont les Aliscamps de Paul-Jean

Et les psys sont là à ressasser
Pour nous aider à voir en rose
L’ombre confinée de nos soirs

Ah! dites, comment surseoir?
Je n’ai sans doute pas assez
Pris garde à la douceur des choses.

Les métiers

Aujourd’hui les métiers qu’on convoite
Ne sont plus ceux d’hier
On ne rêve plus d’être patron de boîte
Avec des milliers d’actionnaires

Mieux vaut devenir virologue
Boulanger caissière coupeur de tifs
À la rigueur déboucheur de gogues
Vendeur de gel hydroalcolique et last

But not least spécialiste en résilience
Ou mieux encore fabricant de masques
Bricoleur de bécanes aussi c’est tendance

Mais s’il est un job où le statu quo
Prévaut c’est poète en définitif
Un boulot toujours aussi con.

Les choses du passé

Il est mort Piccoli
On a revu dimanche
Les choses de la vie
La bagnole qui penche

Et la roue qui sautait
Et bien sûr il a plu
Il y a toujours la pluie
Dans les films de Sautet

Ralentis et flash-back
Et fumée de Celtiques
C’était l’année du bac

On ne s’est pas remis
De la mort qui rapplique
Et des yeux de Romy.

Et pour terminer, Daniel Renault nous propose ses variations sur 100 …qui auraient pu me laisser sans voix ou sens dessus-dessous…

Nous aimons d’accord ou pas d’accord, tes coups de projecteurs dans notre vision noircie, qui produisent du sens, comme un metteur donne du sens à une scène. Et tu nous proposes d’allumer nos projos, mais si plutôt le 100 devenait Sans. Sans Sens, Sans intention, Sans motivation il n’aurait que le sens d’être là. pas de célébration, pas de compilation, mais il est là, Le cent, tout au plus indique-t-il que tu es là à un bout et que nous sommes là à l’autre, encore. Mais dans le cent il n’y a pas de bouts, que nous tous qui le regardons avec nos sens.

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